Jean Véronis
Aix-en-Provence
(France)


Se connecter à moi sur LinkedIn Me suivre sur Twitter Facebook RSS

lundi, juin 27, 2005

Lexique: Sarko n'est pas gauche, il droitise

Vous avez peut-être remarqué dans mon billet précédent qu'un des mots présents dans les fils RSS du Monde du week-end, mais absent du TLF, est le mot droitise. Il apparaît dans le titre d'un article du Monde, pour qui les récentes expressions musclées du Ministre de l'Intérieur (qui veut entre autres "nettoyer" les cités au Karcher) ne sont pas des excès dus à sa gaucherie, mais plutôt à sa droitisation:

Nicolas Sarkozy droitise son discours pour attirer l'électorat du FN [voir l'article]

sarkozy à la courneuve

Ce mot m'a intrigué, car il n'apparaissait que 960 fois dans Yahoo (pages francophones), ce qui est très peu à l'échelle du Web. Or, le mot me paraît vraiment familier. En cherchant un peu plus, j'ai eu la grande suprise de constater à l'aide de l'opérateur d'exclusion de Yahoo (requête: droitise -sarkozy) que le mot n'apparaissait que 60 fois dans des pages qui ne contiennent pas le mot Sarkozy (il vaut mieux ne pas utiliser Google, dont les comptes sont faux)...

En cherchant aujourd'hui, je vois que le mot droitise apparaît maintenant 1390 fois dans Yahoo (pages francophones), soit une augmentation de 40%. Mieux encore, l'expression exacte "Sarkozy droitise son discours" apparaît dans 1250 de ces pages! En regardant de plus près, effectivement, toutes les pages sont des références à l'article du Monde (ou des copies)... Tout familier qu'il soit, le mot droitise était donc quasi confidentiel jusqu'à cet article du Monde que tout le monde reprend en boucle.

Ca m'épate, en fait, que des mots puissent nous paraître aussi familiers et être aussi peu utilisés (une soixantaine de fois sur le Web avant ce fameux article...). Et, bien que je m'en doutais, je suis aussi assez stupéfait par la vitesse de propagation des nouvelles expressions sur le Web, notamment à travers les blogs et les forums qui constituent autant de caisses de résonance.

fleurs à la courneuve

Ca m'épate aussi de voir que certaines choses se propagent plus que d'autres... Qui se souvient du nom du petit garçon tué d'une balle perdue à la Courneuve il y a tout juste une semaine? Il a fallu que je cherche sur le Web... Il s'appelait Sidi Ahmed. Il avait onze ans. Il lavait la voiture de son père. Et pendant que les bloggeurs s'indignent des propos de Sarkozy, que les lexicographes dissertent, une famille pleure...

5 Commentaires:

Anonymous Anonyme a écrit...

Et pendant que les Sarkoàzy se ramène un electorat, une famille pleure...

27 juin, 2005 22:02  
Blogger all a écrit...

D'après Langue Sauce Piquante « Créer des verbes à partir de noms communs qui en sont dépourvus est un sport prisé en Algérie : on y 'verbise' à tout va ».
Comme en franco-provencal la manie de rajouter le suffixe -ade à tout va pour substantiver les mots ( 'c'est l'ignorade totale', 'on s'est pesqué avec les flics, oursinade grave')

28 juin, 2005 08:42  
Anonymous Anonyme a écrit...

Tant qu'on s'en tient à "verbiser" sans verbaliser...

28 juin, 2005 10:05  
Blogger VinZ a écrit...

Je pense que si le terme "droitiser" semble comme vous le dites, familier, c'est que les hommes de gauche peuvent gauchir leur programme et se gauchiser eux-mêmes. Ils peuvent aussi gauchiser leur discours...
Mais ceux de droite ne peuvent pas droitir leur discours (ce terme n'apparait quasiment jamais, sauf lorsqu'il s'agit d'une faute de frappe à droitier)

28 juin, 2005 17:42  
Anonymous Anonyme a écrit...

A propos de la vitesse de propagation de certains termes, il me semble que le phénomène n'est pas propre au web. Je vois au moins deux exemples d'expressions qui soient passées dans l'usage courant presque instantanément suite à une et une seule utilisation (télévisée) :
- logique de guerre
- dysfonctionnement
Je crois que pour avoir une telle postérité, l'expression doit pouvoir être appliquée à peu près à n'importe quoi (et donc ne pas vouloir dire grand-chose).
Deuxième condition : il faut que ça en jette un peu. Il suffit de dire "logique de guerre" pour se sentir un peu à la tête des armées. Quant à "dysfonctionnement", il donne indéniablement à celui qui l'emploie le sentiment d'avoir fait de hautes études.

18 juillet, 2005 02:21  

Enregistrer un commentaire