Jean Véronis
Aix-en-Provence
(France)


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dimanche, février 25, 2007

2007: Observatoire de la Netcampagne

On parle beaucoup de sondages ces temps-ci, mais il en est un qui est passé pratiquement sous silence. L'IFOP a réalisé les 16 et 17 février une étude très intéressante [télécharger pdf] sur l’impact d’Internet dans l’élection présidentielle. Le Web apparaît en nette progression comme moyen d'information sur l’actualité politique : 47% des internautes interrogés affirment en effet y rechercher des informations sur l’actualité politique « souvent » (14%) ou « de temps en temps » (33%), soit une progression de 7 points par rapport à novembre 2006.

Certains chiffres vont à l'encontre des idées reçues. Ainsi on pourrait penser que c'est surtout un public d'internautes assez jeunes, disons autour de la trentaine, qui est fortement intéressé par la politique sur Internet (un peu à l'image de ce qu'on observe à la République des blogs par exemple). Cette image est fausse. L'interêt des internautes pour la politique sur le Web croît avec l'âge, les plus de 65 ans étant les plus concernés :



Le sondage n'analyse pas l'impact d'Internet sur les intentions de vote. Ce serait intéressant à connaître un jour. Je suis convaincu, sans preuves évidemment, que la montée spectaculaire de Bayrou est largement due au Web, et aux relais extrêmement importants qu'il a obtenus dans la blogosphère. L'UMP et le PS sont certes présents sur le Web, mais avec des stratégies qui me paraissent moins efficaces. Du côté de l'UMP on a une machine Internet un peu à l'image du parti : très pyramidale. On nous délivre des informations du haut vers le bas. Pour aller les chercher il faut déjà plus ou moins être convaincu. Cette structure descendante ne me semble pas bien adaptée à la «culture» Internet. Il semble d'ailleurs que le site Sarkozy.fr n'ait pas eu le succès escompté, et que la «pépinière» de blogs sympathisants soit un flop. Du côté du PS, la stratégie est plus habile : un site Désirs d'avenir «participatif» à l'image de la campagne de Royal, une «Ségosphère» extrêmement active. La base s'implique. Mais je me demande si l'activité bourdonnante qu'on observe n'est pas une illusion quant à l'impact réel sur le vote des indécis. Le problème de la Ségosphère, comme toute «sphère» finalement, n'est-il pas de faire parler entre eux et de connecter essentiellement les sympathisants et les convaincus ? Là aussi, on a en tous cas, une «machine» organisée par le parti.

La stratégie de Bayrou me paraît beaucoup plus habile : il a su suciter l'intéret de nombreux blogueurs, qui n'étaient pas spécialement sympathisants UDF, et encore moins militants. Il s'est montré en personne à la République des Blogs, il a des pris des positions appréciées sur le logiciel libre et le droit d'auteur (souvenez vous de la loi DADVSI), il est allé parler directement aux blogueurs, par exemple dans le cadre du PoliTIC'Show, à qui il a accordé une interview de près de trois heures. Il est filmé systématiquement (par exemple sur son site) avec son ordinateur devant lui... Nicolas Sarkozy avoue publiquement qu'il n'a jamais utilisé un ordinateur. Ségolène Royal, je ne sais pas, mais elle ne donne pas franchement une image d'«addict» aux nouvelles technologies.



Pas, ou peu, de machine institutionnelle (et d'ailleurs l'UDF a peu de moyens). Il a bénéficié peu à peu d'une armée de blogueurs non encartés qui se sont mis à parler de lui, et le plus souvent à en dire du bien. Mille fois plus efficace que toutes les machines institutionnelles, toujours suspectes. Ca a marché de façon spectaculaire pour certains produits. C'est comme ça que Google a explosé, par exemple : pas un dollar dépensé en pub. Ce sont les «geeks» qui en ont fait la pub eux-même, de façon virale. Et quand la recommandation vous a été faite par un ami, un proche, elle a infiniment plus de poids que toutes les pubs du monde. Il suffit pour s'en convaincre d'observer l'attachement quasi émotionnel des Internautes à Google pour jauger cet effet. Vous avez beau démontrer par A + B (comme je l'ai fait sur ce blog à plusieurs reprises, par exemple ici) que Google n'est pas nécessairement le meilleur moteur, que Yahoo a une pertinence de résultats identique, que d'autres (comme Exalead) ont une interface et des fonctionnalités bien meilleures, rien n'y fait. La relation nouée avec Google est affective, viscérale et indéfectible. C'est ce que Bayrou a réussi avec le Net. Bravo.

Royal et Sarkozy ont eu tort à mon avis de négliger la blogosphère, ou plutôt de croire qu'il avait rempli leur contrat parce qu'il avaient monté une lourde machinerie institutionnelle. L'accession au deuxième tour se jouera dans un mouchoir de poche. Il leur manquera peut-être, à l'un ou à l'autre, quelques pourcents des Français cultivés et connectés.

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12 Commentaires:

Anonymous Anonyme a écrit...

« Je suis convaincu, sans preuves évidemment, que la montée spectaculaire de Bayrou est largement due au Web, et aux relais extrêmement importants qu'il a obtenus dans la blogosphère. »
Cette phrase, même énoncée avec toutes les précautions d’usage, me semble un peu péremptoire. Personnellement, « sans preuves évidemment », je pense que la montée de Bayrou est plutôt due au pilonnage médiatique intensif des snypers de l’UMP à partir du 14 janvier exploitant d’une manière extravagante les « bourdes » (pour employer l’expression consacrée). Résultat, inattendu et collatéral, des apprentis sorciers qui n’ont certainement pas lu Clausewitz (« ne jamais mépriser et/ou sous-estimer l’adversaire »), Bayrou a « pompe des voix à la droite » comme vient de le déclarer le directeur de campagne de NS qui vient de mettre en place une cellule pour étudier le phénomène Bayrou.
On ajoutera aussi que Bayrou a su intelligemment utiliser la force du rejet des médias dominants (rejet déjà observé lors du référendum de 2005).Pour ce qui est d’Internet, je me permets de vous signaler une étude très intéressante (quoique publiée le 31 janvier ») du laboratoire « Actualités de la recherche en histoire visuelle » (EHESS) (http://www.arhv.lhivic.org/index.php/2007/01/31/304-les-videos-de-segolene) qui montre que ce qui compte c’est plutôt l’utilisation d’Internet par les internautes.
En voici un petit extrait : « On se souvient de la vidéo d'Angers, consultée plus d'un million de fois en l'espace d'une semaine en novembre dernier. Si l'on compare le résultat des requêtes "Sarkozy" et "Royal" au 31 janvier sur Dailymotion, on observe d'abord une sensible différence de matériau. Dans le premier cas, peu de déclarations ou d'interviews, mais beaucoup de parodies ou de films de dénonciation ("Le vrai Sarkozy", envoyé le 5 juillet 2006 par reso69, vu 1.439.662 fois). Dans le second, nettement plus d'interviews et de reportages, moins de satires. Si l'on se concentre sur les prises de parole proprement dites, pour Sarkozy, les trois vidéos les plus vues ("Voeux 2007", "Nouveaux adhérents", "SarkoSégo débat") totalisent 443.188 consultations. Dans le cas de Royal, l'échantillon équivalent ("Débat participatif Alsace", "Voeux 2007", "Pacte de Bondy") atteint 2.273.321 consultations, soit cinq fois plus. On peut multiplier les tests, limiter la période, modifier les critères, l'impression demeure que les vidéos présentant un contenu informatif sur la candidate socialiste sont plébiscitées sur la plate-forme. On se gardera de traduire mécaniquement ce résultat en termes de côte d'amour ou de bulletins de vote. Mais l'analyse de ces chiffres peut fournir d'autres indications. En premier lieu, on constate que le public de Dailymotion n'est pas constitué que d'amateurs de lourdes blagues: les 41.737 vues totalisées par les différentes versions du canular de Gérald Dahan font pâle figure face aux 270.483 vues du très sérieux reportage militant "Ségolène - Face au logement" à Roubaix, pour la même période. Il semble peu probant d'expliquer ces bons scores par le seul public des sympathisants socialistes – auquel cas on aboutirait à la conclusion qu'ils sont nettement plus nombreux que ceux du camp adverse! »
J’espère que l’on bientôt une étude prenant en compte FB.

25 février, 2007 12:10  
Anonymous Anonyme a écrit...

Je me permets de reprendre un passage de mon post précédent (pas facile d'écrire dans le cadre.
… Résultat, inattendu et collatéral, pour les apprentis sorciers qui n’ont certainement pas lu Clausewitz (« ne jamais mépriser et/ou sous-estimer l’adversaire »), ont fait « monter Bayrou dans les sondages » en affaiblissant SR et… en prenant des voix à NS. Bayrou « pompe des voix à la droite »…

25 février, 2007 12:16  
Blogger all a écrit...

Selon la carte de l'Observatoire Présidentielle 2007 nous voyons que l'UDF occupe une place bien plus importante dans la blogosphère que dans la représentation nationale, ce qui confirme ce que vous écrivez (sur un plan quantitatif tout au moins). Pas trop d'accord sur l'UMP qui propose une grande diversité de sites - Loïc Le Meur se trouve en coulisse, un pro - notamment Débat Sarkozy dans la plus pure veine Web 2.0 de social bookmarking.
Pour le PS je trouve la blogosphère foisonnante mais trop brouillonne, quiconque parle au nom du PS ce qui donne l'impression de désordre qu'a cherché à éviter l'UMP.
La seule conclusion objective est la différence entre Ségo et Sarko de niveau de contrôle de leurs partis.

25 février, 2007 12:34  
Anonymous Anonyme a écrit...

Bonjour,
Sur le fond, je suis plutôt d'accord avec tout ce qui vient d'être dit. Je me demande tout de même si les études citées sont tout à fait fiables.

Je me souviens de cette étude sur Dailymotion. Les conclusions sont intéressantes, particulièrement l'idée qu'il faut analyser l'usage des vidéos et pas seulement le nombre de clics. Cependant, on en reste à comparer le nombre de clics sur des vidéos gagesques et des vidéos "sérieuses". Et il est très facile de manipuler ce genre de choses, comme l'a montré le PC il y a peu de temps. Faire monter le nombre de clics permet d'arriver en premier dans les résultats de recherche, c'est donc considéré comme une action stratégique par les militants. En réalité, il faudrait aussi pouvoir compter le nombre de commentaires et de mises en favoris, et le nombre de fois où les vidéos son reprises sur les sites ou les blogs, avec un commentaire.

Concernant l'IFOP, j'ai quelques doutes également : Les premiers graphiques portent sur l'ensemble du panel, soit 1001 personnes. On peut donc y accorder a priori la même confiance qu'aux sondages d'intentions de vote, c'est à dire, je crois, qu'il y a 3% de marge d'erreur. Une remarque importante cependant : On lit à la fin du message que "Lors du terrain d’enquête, afin de pouvoir affiner l’analyse, les « internautes actifs », c’est-à-dire  les personnes se connectant plusieurs fois par jour à Internet, et ceux âgés de plus de 65 ans ont été sur-représentés puis ramenés à leur poids réel lors du traitement informatique. L’enquête a été réalisée par questionnaire auto-administré sur Internet." Autrement dit, cette enquête a porté sur la population des internautes, et des internautes qui s'intéressent suffisamment à internet pour répondre à des enquêtes. Les résultats ont été lissés. J'accorderais donc un indice de confiance très réduit aux chiffres de cette enquête.
Mais allons plus loin : les premiers graphes établissent des groupes à l'intérieur de la population d'ensemble : parmi ces internautes, quels sont ceux qui ont recours à internet pour s'informer que la politique. Ce qui permet de faire un première conclusion en soi tout à fait intéressante, même si elle est formulée de manière étrange ; "la proportion d’internautes utilisant la toile progresse de 7 points."
 Le problème, c'est qu'ensuite, on prend ce groupe de 470 personnes (!) pour affiner la réflexion, et créer des sous groupes : par âge, et par affinité politique. Rappelons que les données sur l'âge ont été lissées. Ca commence à faire un marge d'erreur importante... D'ailleurs, on ne connaît pas le nombre de personnes appartenant à chaque groupe. On peut essayer de faire une approximation : l'enquête identifie 6 familles politiques. 470/6=78,3. On a forcément fait des pourcentages sur des populations de moins de 100 personnes!!! Pareil pour les groupes par âge, puisqu'il y a 5 familles.

C'est dommage de ne pas disposer de données plus fiables. Pour le moment, le must, c'est quand même les outils que vous, Jean, mettez à notre disposition... Cependant, c'est un domaine de réflexion assez nouveau, et pour lequel j'imagine qu'il est difficile d'établir des protocoles. Je suis sûre qu'on y reviendra plus tard, une fois la campagne passée. On pourra utiliser le matériel archivé par la BNF, par exemple.

25 février, 2007 13:13  
Anonymous Anonyme a écrit...

Je peux juste témoigner sur la blogosphère locale (moselle) et l'analyse ne correspond pas vraiment à votre description
L'UDF est présente mais sans plus et est assez institutionnelle et le PS beaucoup plus divers (et très présent). Pour l'UMP, assez d'accord, sauf pour les Jeunes UMP présents et moins institutionnels.

Votre analyse reflète celui du débat interne au PS, où DSK avait une blogosphère très riche .. mais un peu coupée du quotidien, des aspirations des gens (en particulier des 50% qui n'ont pas le net !!).

Et encore une fois, sauf le très grand respect que j''ai pour votre travail, il serait intéressant de passer des opinions à l'analyse pour ce qui concerne F.Bayrou..à l'instar de ce que vous faites pour Sarko et Ségo

25 février, 2007 13:33  
Blogger Unknown a écrit...

Bonjour,

Au sujet de la popularite de F.Bayrou dans la blogosphere regardez ce sondage ou Bayrou est en tete avec 60% de votes.(Ce sondage demande quel interview de PoliTIC Show les gens veulent-ils voire editer en DVD en premier)

25 février, 2007 16:29  
Anonymous Anonyme a écrit...

J'attends avec intérêt celui qui me dira avec quelle stratégie Mr Chirac a été, contre toute attente, élu 2 fois Président de la République !

25 février, 2007 18:18  
Blogger Jean Véronis a écrit...

Armor> Oui, le pompage peut-être, en période récente, mais la montée de Bayrou sur internet a commencé avant (sondages sur internet favorables, etc.).

25 février, 2007 18:56  
Blogger Jean Véronis a écrit...

All> Oui, la présence des blogs étiquetés favorables à Bayrou est très forte sur la carte de l'Observatoire, ce qui semble aller dans mon sens, car il y a peu de blogs UDF institutionnels. En ce sens l'étiquetage "UDF" est un peu faux. Ce sont souvent plus des individus qui se rallient à Bayrou qu'au parti UDF (me semble-t-il).

25 février, 2007 18:59  
Blogger Jean Véronis a écrit...

Lisette> Oui, c'est le problème des sondages, comme toujours... Comme ils reposent sur la méthode des quotas, on ne peut même pas fixer scientifiquement une marge d'erreur. Le flou complet, qui repose sur la qualité du "redressement" effectué, que nul ne connaît. C'est une sorte d'artisanat, et surtout une boîte noire.

25 février, 2007 19:02  
Blogger Jean Véronis a écrit...

Lds> Sur l'élection de Chirac en 2002, il y a peut-être un élément de réponse ici.

25 février, 2007 19:03  
Anonymous Anonyme a écrit...

Bonjour, sur le sujet je vous recommande de jeter un coup d'oeil a l'evolution de Bayrou sur le site http://www.votez2007.com/tour2vote.asp

Sa progression est tout a fait fulgurante et etonnante. Bien sur Comme toujours avec le net il faut faire attention aux manipulations, mais c'est quand meme assez parlant.

02 mars, 2007 12:19  

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