Jean Véronis
Aix-en-Provence
(France)


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jeudi, février 15, 2007

Ségo: Les versions de son discours

Vous avez été nombreux à lire mon billet sur le passage improvisé par Ségolène Royal lors de son meeting à Villepinte, et qui a sans doute été le moment le plus fort de son discours. Si vous êtes curieux, vous avez peut-être remarqué que la version mise en ligne sur le site Désirs d'avenir a changé après la publication de mon billet (je ne sais pas s'il y a un rapport de cause à effet) :
La version 2 semble être la retranscription fidèle du discours prononcé (je n'ai pas tout vérifié). J'y reconnais quelques fautes d'orthographe ou de ponctuation qui semblent assez typique d'un stagiaire qui retranscrit assez vite d'après un enregistrement...

Je n'ai aucun moyen de savoir à quoi correspond la version 1, qui avait été mise en ligne juste après le meeting. Est-ce la version qu'elle lisait ? Est-ce une version légèrement antérieure à la version qu'elle lisait ? Je pencherais pour cette hypothèse : il y a quelques petits passages additionnels qu'elle semble lire dans la version prononcée. Sans doute des modifications de dernière minute comme le font tous les personnages politiques.

J'ai écrit un petit programme qui compare les deux versions. Vous verrez le résultat ici :
C'est assez instructif. Vous verrez notamment que tout le début est improvisé, et puis on voit clairement le moment où elle penche les yeux sur son texte pour commencer à lire. En rouge les ajouts, en gris barré les suppressions :
Chers amis , vous voilà si nombreux rassemblés , venus de partout .
Vous avez dû comprendre qu' il se passait quelque chose d' important aujourd' hui .
Vous êtes venus parce que , même si je n' en manque pas , vous avez voulu m' apporter votre courage .

Je suis heureuse de voir toute la famille de la gauche rassemblée et vous tous et toutes aussi nombreux que je salue du fond du coeur .
C' est forte de cette unité et forte de votre présence que je peux aujourd' hui m' adresser en cet instant solennel à tout le peuple français .
Votre présence m' y aide .
Vous avez senti que le moment serait crucial .
Vous me donnez du courage même si je n' en manque pas .
A
Oui , à cet instant , je veux m' adresser à tous les Français , c' est - à - dire à chacun et à chacune de vous , qui attendez de savoir de quoi demain sera fait .
...
Il y a des additions qui sont intéressantes du point de vue politique, comme celle-ci :
Je m' engage aujourd' hui , devant vous , à tout faire pour soutenir leur effort leurs efforts et pour créer l' environnement favorable dont elles ont besoin et qu' elles méritent , et en contrepartie desquelles elles sauront créer des emplois durables
L'adjonction du dernier bout n'est pas anodine (je penche pour une improvisation dans ce cas, étant donné l'incohérence syntaxique : desquelles quoi ?). De nombreux commentateurs ont remarqué que le PS (comme l'UMP, d'ailleurs) faisait beaucoup de promesses, probablement coûteuses, comme en 1981, promesses qui ont de bonnes chances d'être revues à la baisse, réalité oblige (comme 1982). Il me semble que se met en place un discours de «donnant-donnant» et de contreparties qui permettra le jour venu d'ouvrir de réviser les ambitions à la baisse, contrairement au tournant de 1982-83 qui avait fait pas mal de déçus. On aidera les chômeurs mais..., on aidera les entreprises, mais..., etc.

Ce n'est qu'une interprétation. Ce serait intéressant, en tous cas, de pousser plus loin l'analyse de ces différences. Qu'elles soient des modifications de dernière minute (probabalement de la main de Ségo ou du dernier cercle de proches) ou des interpolations en direct, elle me paraissent signifiantes. Peut-être faudrait-il mener une wiki-enquête ? Si vous trouvez des pépites, les commentaires sont là pour ça !

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13 Commentaires:

Anonymous Anonyme a écrit...

"l'incohérence syntaxique : desquelles quoi ?"
plus probablement "desquels" au masculin, en référence aux efforts. Une transcription un peu rapide, comme vous l'avez dit ;-)

C'est en tout cas une comparaison très intéressante, et fascinante quand on se met à penser aux toutes petites différences de mots qui font qu'on y croira ou pas quand on entend les candidats qui veulent nous convaincre.

15 février, 2007 11:36  
Blogger Jean Véronis a écrit...

Naki> desquels : oui, j'ai pensé à ça dans un premier temps, mais ça ne colle pas non plus, parce que la contrepartie ne se fait pas par rapport aux efforts des entreprises, ça n'a pas de sens, mais par rapport à l'aide apportée par l'Etat. Donc je pense qu'elle voulait dire "Je m' engage à tout faire ... en contrepartie de quoi". Sauf que dans l'action, elle s'est un peu mélangé les pinceaux. Rien de grave. Je ne fais pas la chasse à la bourde (j'ai assez dénoncé la cressonisation). Poura voir travaillé sur de nombreux discours politiques d'hommes et femmes de tous bords, je sais que ce type de petites entorses est absolument commun à tous. C'est sans intérêt (sauf que c'est un indice de spontanéité: un discours écrit et relu l'aurait filtré).

15 février, 2007 11:44  
Anonymous Anonyme a écrit...

Une autre comparaison de textes me semblerait intéressante: entre le discours de Ségolène Royal et le texte du Pacte présidentiel lui-même.

Ségolène Royal ne reprend pas l'intégralité des propositions de son pacte dans son discours (elle le précise d'ailleurs dans le discours lui même). Il serait intéressant d'étudier ce qu'elle a retenu et ce qu'elle a écarté.
De plus, certaines propositions reprises ne sont pas formulées de la même manière.

Par exemple:

Dans le Pacte: "21- Mettre en place une sécurité sociale professionnelle garantie par l’Etat et permettant à chaque personne privée d’emploi de se voir proposer par les pouvoirs publics un
contrat de droits et devoirs comportant :
- une rémunération, pendant un an, égale à 90 % du dernier salaire net perçu ;
- une formation qualifiante ;
- une aide personnalisée à la recherche d’emploi ;
Cette prestation sera assurée par le service public de l’emploi."

Dans le discours: "Dans l'intérêt des entreprises comme des salariés, dans l'intérêt de la France tout simplement, je créerai la Sécurité sociale professionnelle qui garantira contre une formation et une recherche active d'emploi une rémunération égale à 90 % du dernier salaire perçu afin de permettre sans drame la mutation des emplois."

Dans le Pacte, cette Sécurité sociale professionnelle comporte des "droits et des devoirs" qui sont simplement listés, sans que l'on précise ce qui est un droit et ce qui est un devoir.

Dans le discours, la rémunération prévue devient conditionnelle à une contrepartie: "contre une formation et une recherche active d'emploi". Là on sait ce qui est un droit et ce qui est un devoir ;-)

Quelqu'un a-t-il repréré d'autres nuances de ce genre?

15 février, 2007 12:48  
Blogger Jean Véronis a écrit...

Tardif> Merci de pointer cet exemple. J'ai l'impression que cette histoire de contrepartie est devenue la clé des promesses de Ségo. J'y vois un "parapluie" linguistique pour la suite, quand elle ne pourra (évidemement) pas les tenir (tout comme l'UMP, d'ailleurs)...

15 février, 2007 13:15  
Anonymous Anonyme a écrit...

Ce qui m'intéresse, c'est surtout cette notion de promesses (qui n'engagent que ceux qui les écoutent). En effet, cette campagne est très orientée sur les moyens (pas au sens financier du terme) et non sur les résultats. Ainsi nous alons créer des emplois (pas résorber le chômage). En bref, les candidats sont prompts à nous proposer des solutions coûteuses, mais ne peuvent chiffrer la rentabilité de ces propositions. Il me semble que ça serait plus constructif.
En tout cas, je me permets de souligner l'intérêt de ce billet et d'ajouter un lien depuis mon blog.
Bonne continuation.

15 février, 2007 14:49  
Anonymous Anonyme a écrit...

Je suis par contre toujours curieux de connaitre le nom de ou des plumes qui ont aidé Ségolène Royal à rédiger son discours (ou qui l'ont tout simplement rédigé pour elle ...)

Je suis sûr que le linguiste que tu es ne peut se contenter de l'analyse du texte sans se soucier de l'auteur...

Alors, Peillon ? Orsenna ?

15 février, 2007 15:10  
Blogger Jean Véronis a écrit...

Emmanuel> Bonne remarque ! C'est vrai, ce que vous notez (et que vous développez plus dans votre billet). Il y a dans les discours actuel (du moins chez les deux grands partis PS et UMP) une sorte de position défensive: combien ça va coûter, et non pas combien ça va rapporter... Est-ce la signe d'une société devenue terriblement craintive et frileuse ? Je vais y réfléchir. Merci de me donner matière à penser !

15 février, 2007 20:30  
Blogger Jean Véronis a écrit...

Farid> Je crois que les plumes on ne les connaîtra jamais. Les discours des Ségolène Royal, si j'ai bien compris les indices donnés ici ou là, dont des oeuvres collectives. Il y a des cercles successifs, et elle-même a la dernière main sur la version finale (y compris en direct comme on le voit). C'est la même chose chez Sarkozy. Mais c'était vrai aussi pour Chirac. C'est vrai qu'il y a une petite difficulté pour l'étude. Les "tics" de langage changent subrepticement en fonction des "plumes". Quand on peut observer sur une longue période comme pour Chirac c'est assez flagrant.

Où est le temps où les hommes politiques écrivaient eux-même l'intégralité de leurs discours ? C'était le cas de de Gaulle. Je crois aussi que c'est le cas de Bayrou ?

15 février, 2007 20:40  
Anonymous Anonyme a écrit...

Ah ! Jean Véronis, le citoyen n'étoufferait-il pas un peu le linguiste quelquefois ?
Mais on peut effectivement dire que le discours final de Mme Royal n'est jamais connu que d'elle - ainsi qu'ont pu le constater tous ceux qui ont confronté son discours publié et le discours prononcé à Villepinte par exemple. Toutes les plumes prêtées à Mme Royal n'apportent pour l'heure que du matériau ; comme son "père" François Mitterrand, elle met en lice toutes sortes de compétences et fait son miel de leurs contributions ; et vous reconnaîtrez bien des sources si vous relisez son pacte présidentiel, mais la patte est la sienne et aucun contributeur ne peut s'attribuer ses discours. M. Peillon et les journalistes politiques en savent quelque chose suite à une erreur de son secrétariat vendredi dernier.

M. Sarkozy met aussi sa touche finale, mais il est plus classique dans la démarche : il se confie à un homme en qui il peut avoir confiance - guère de culture classique, pour sa part - et qui donne un contenu émotionnel et une tonalité lyrique à ses déclarations.

De Gaulle écrivait en se servant de notes. Quant à M. Bayrou, je ne sais. Croyez-vous que l'orgueil de l'homme et de l'agrégé peuvent suffire à tout réaliser…

15 février, 2007 22:07  
Anonymous Anonyme a écrit...

Petit oubli, grosse faute !
… l'orgueil de l'homme et la science de l'agrégé peuvent suffire à tout réaliser ?…

16 février, 2007 01:26  
Anonymous Anonyme a écrit...

A contrario de mon exemple précédent, voilà une proposition du Pacte qui n'est pas reprise dans le discours:
Dans le Pacte: "87- Garantir l’égalité des droits pour les couples de même sexe "

Dans le discours (version du 14/02) selon ma recherche:
- 7 occurence du mot égalité (et 5 du mot inégalité), mais aucune n'est associée à couple ni à sexe, car:
- pas d'occurence du mot sexe
- pas d'occurence du mot couple

Ce qui ne me crée pour autant aucun doute sur la position de Ségolène Royal sur l'égalité des droits des couples de même sexe, la candidate s'étant prononcée sans aucune ambiguïté par ailleurs (http://www.hes-france.org/spip.php?article182).

Il s'agit juste de souligner... des nuances...

16 février, 2007 01:33  
Anonymous Anonyme a écrit...

Bonjour Jean,
Afin de poursuivre notre discussion sur le sens à donner aux propos de campagne, je me permet de soumettre à votre réflexion l'idée suivante :
Ne trouvez-vous pas que nous sommes véritablement rentrés en campagne cette semaine par un changement sensible dans le ton des deux candidats "principaux" et de leur entourage? En effet, je note la proposition de baisse des impôts de la part de F. Hollande, couplée à l'affectation des crédits alloués à la construction du deuxième porte-avions français à l'éducation de S. Royal. En parallèle, le discours de N. Sarkozy se "gaullise" franchement.
En effet, on retrouve du social dans le programme le plus libéral que les héritiers du général aient jamais commis. Qu'en pensez-vous?

16 février, 2007 16:07  
Blogger Vicnent a écrit...

un article d'agoravox pépitique...

Ça va de "bravitude" à "rabattre sur les services publics" etc...

19 février, 2007 11:25  

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