Jean Véronis
Aix-en-Provence
(France)


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lundi, mars 21, 2005

Texte: Jacques a dit

Privé de majorité politique durant la majeure partie de son septennat,
Jacques Chirac fut avant tout le président de la parole,
condamné à gouverner par le seul pouvoir des mots.


Damon Mayaffre, Paroles de président (Editions Champion)

J'ai déjà cité il y a quelque temps, les travaux de mon collègue niçois Damon Mayaffre, qui a analysé tous les discours de Chirac entre 1995 et 2003 à l'aide d'outils de lexicométrie perfectionnés. 816 discours analysés, un million et demi de mots passés au crible informatique, et comparés aux discours de de Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand et Jospin. Je recommande vivement le livre qui résume ces analyses, paru chez Champion, et qui a reçu récemment les honneurs du Canard Enchaîné. Un bel exemple d'utilisation de la statistique textuelle.



Damon m'a fait parvenir deux diagrammes intéressants (je reprends les explications de Damon). Le premier montre un changement rhétorique majeur dans les discours présidentiels au cours de la Vème République : "le discours des trois premiers présidents, de Gaulle, Pompidou, Giscard, dans les années 1960-70 est nominal et conceptuel, tandis que le discours des trois suivants (Mitterrand1, Mitterrand2 et Chirac) à partir des années 1980 est verbal et énonciatif". Le discours se vide de sa substance...



Le deuxième diagramme montre l'évolution du mot insécurité dans les discours de Chirac :



Ce diagramme utilise ce qu'on appelle en statistiques "écarts réduits". Le terme est un peu technique, mais l'idée générale est simple à comprendre : la ligne horizontale du zéro correspond à la moyenne de l'emploi du mot insécurité chez Chirac. Les "bâtons" correspondent à un emploi inférieur à cette moyenne pour un semestre donné s'il sont dirigés vers le bas, et un emploi supérieur à la moyenne s'ils sont dirigés vers le haut. En 1997 par exemple, Chirac n'emploie jamais ce mot... Par contre, pendant le seul premier semestre 2002, juste avant l'élection présidentielle, il l'utilise 156 fois. Damon a peut-être raison de dire que "le thème de l'insécurité ressort dans le discours de Chirac comme un thème conjoncturel et fabriqué à des fins électorales" ! On connaît le résultat...



Il y a bien d'autres analyses fascinantes dans ce livre. Celle de la cohabitation vue sous l'angle des vocabulaires du président et de son premier ministre mériterait un autre billet à elle seule ! Peut-être un jour...

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