Jean Véronis
Aix-en-Provence
(France)


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mardi, mars 06, 2007

Livre: Rencontre avec le faucheur

Hier, José Bové nous a reçu chez lui dans sa ferme du Larzac. Une heure et demie de discussion passionnante, d'autant plus que Bové, comme je le disais il y a quelque temps, c'est surtout une image : les moustaches, la pipe, les fauchages, les menottes. Les médias relaient peu sa parole, et pour un linguiste c'est frustrant. Les mots sont notre gagne-pain après tout...



Le personnage est simple et chaleureux, bien différent de l'image stéréotypée et un peu sectaire qu'en colportent les médias.

Le docu sera en ligne dans quelques jours sur le site du PoliTIC'Show. En attendant, le début du chapitre sur l'homme à la faux...






José Bové
Le parler « faux »






5 mars 2007

Plateau du Larzac. La petite route qui mène à la ferme de José Bové longe le camp militaire. Pancartes rouges, barbelés. J’ai un petit pincement au cœur. 1973, 1974, les grands rassemblements… Je réalise que Nicolas et Julien, que j’ai récupérés ce matin à la gare de Montpellier n’étaient pas nés. Je n’insiste pas trop, l’étiquette d’ancien combattant n’est jamais agréable à porter. Au bout de la route, le hameau de Montredon, où José Bové s’est établi, est identique à lui-même à plus de trente ans de distance. Seule une curieuse maison en bois aux formes curvilignes dignes de Gaudí domine les maisons en pierre et les bergeries. La maison de José.

Quand nous mettons pied à terre, il est là dans le hameau, la pipe à la main, comme il se doit, entouré de sympathisants. Des gens de tous âges venus des environs, parfois de plus loin : des mamans avec des bébés en écharpe, des chevelus, des moustachus, des seniors en anorak et chaussures de randonnée. Bové a convoqué un « contre-salon de l’Agriculture » pour faire un pied de nez au salon parisien. Quelques journalistes sont là. Deux ou trois caméras, quelques micros. José a un émetteur HF collé sur l’arrière-train. On visite la fromagerie, on caresse les brebis. La presse a l’air de s’ennuyer ferme.

On est conviés à un déjeuner sous un chapiteau. Drapeaux du Larzac avec le chardon rouge, les mêmes qu’en 1973. Une table avec le livre de Bové, des tracts, des badges, le journal Gardarem lo Larzac. Pancartes avec l’affiche de campagne : Osez Bové ! sur fond de coquelicot. Produits du terroir, bio bien sûr. Fromages, grillades. Fanfare pour l’ambiance. Le vin des Cévennes aussi. Les discussions se nouent entre convives. On rit, on discute, on échange des souvenirs.

Café. Cigare au soleil.

Les chiens du coin viennent marauder les restes des grillades. José pisse derrière le chapiteau. Décontracté le bougre. Je n’imagine pas Sarkozy…

Et ça y est, le silence se fait, il entame son discours. Paysans et militants vont se relayer à la tribune pour parler de choses sérieuses : l’agriculture, le Tiers-monde, les O.G.M… Mais à peine l’orchestre s’est-il arrêté qu’une grappe humaine hérissée de caméras et de micros s’éclipse du chapiteau. Les journalistes ont leurs images : la maison de Bové, les brebis qui bêlent, les paysans de l’Aubrac qui déversent des louches d’aligot dans les assiettes des convives. Pourquoi s’ennuyer à écouter la suite ? Ainsi vont les médias.

Le PoliTIC’Show reste, écoute et tourne. Nous avons rendez-vous avec Bové à la fin de la journée vers 16h30 ou 17h.

Les discours s’achèvent : « Besoin de volontaires pour faire la vaisselle ! »

Nous n’en serons pas. Nous nous retrouvons avec Bové sur la terrasse de sa maison lunaire. On lui demande de brancher la rallonge électrique. Il grogne, mais s’exécute avec gentillesse. Il déroule lui-même le fil à grandes brassées. C’est vrai que la journée a été longue, et on va lui prendre encore une heure, peut-être plus…

Nous voilà calés autour d’une table. Jus de pomme (étiquette Osez Bové sur la bouteille). Bové fait le clap.

Nicolas Voisin — On est dans le Larzac, il va faire un petit peu frais…
Bon sang, oui, il fait frais ! Le soleil se couche peu à peu, et on est à 850 mètres d’altitude. Il fait dans les 10 degrés. Un peu limite pour une interview en plein air, mais José Bové n’a pas l’air de craindre la chose.
Nicolas Voisin — Vous avez cinquante-trois ans, cinquante-quatre en juin. Vous êtes né à Talence…
José Bové — En Gironde.
Nicolas Voisin — Et j’en viens ! D’un père Luxembourgeois, directeur régional de l’INRA, c’est ça ?
José Bové — A l’époque. Maintenant il est à la retraite.
Nicolas Voisin — Vous êtes altermondialiste, membre fondateur d’ATTAC, et syndicaliste agricole. On vous a connu avec la Confédération paysanne, maintenant avec Via Campesina .

Tiens. Nicolas est retombé instinctivement dans le vouvoiement. Pourtant on se tutoyait avant le clap. Bové a le tutoiement facile. Mais ça a l’air moins intuitif pour Nicolas qu’avec Clémentine

Première question :

Nicolas Voisin — En quoi êtes-vous antilibéral ?
José Bové — Ce qui enracine cette notion antilibérale c’est mon métier de paysan. Quand on est paysan, on produit pour nourrir les autres, dans un marché de proximité. C’est une relation directe entre les personnes, entre celui qui fait le produit et celui qui le mange. (…) En 1986, quand l’Organisation mondiale du commerce, ou son antécédent, qui s’appelait le GATT, a introduit l’agriculture dans les négociations internationales, on a voulu casser cette logique et privilégier la notion d’import-export au niveau de l’agriculture, complètement coupée de ce qu’était la réalité de l’agriculture de marché local. Pourtant, moins de 10% des produits agricoles circulent d’un continent à l’autre, mais ces 10% sont tenus en gros pour chaque production par quatre ou cinq grandes transnationales...

6 Commentaires:

Blogger Vicnent a écrit...

Montredon à coté de Carcassonne ?

07 mars, 2007 11:47  
Blogger Jean Véronis a écrit...

Non, près de Millau, dans le Larzac.

07 mars, 2007 11:55  
Blogger Vicnent a écrit...

tu vas pas crier au loup pour 200 km ??!! :-)

C'est vrai que du coup, ça peut mettre Paris à 3mn de Bruxelles et Rome en Sardaigne...

07 mars, 2007 12:29  
Anonymous Anonyme a écrit...

Bah, Jacques Mellick mettait moins d'une heure pour relier Béthune à Paris, et cela en 1993...

07 mars, 2007 16:28  
Blogger Vicnent a écrit...

tu sais, je fais régulièrement la course avec le TGV sur l'A5. Bon ok, il est juste au dessus de 220/230 et pas à 300. Mais quand même. :-)

07 mars, 2007 17:40  
Blogger Jean Véronis a écrit...

Wouah! Attention aux radars qui flashent par l'arrière...

07 mars, 2007 17:48  

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