Jean Véronis
Aix-en-Provence
(France)


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jeudi, mars 22, 2007

2007: Les grands sabots et le tracteur

Je parlais il y a quelque temps de l’importance des symboles, à propos de José Bové, ou de l’Abbé Pierre, que Roland Barthes qualifiait de « forêt de signes ». Peut-être faut-il cette force des images pour émerger dans la vie publique : Ségolène Royal avait ses tailleurs blancs (vous avez remarqué, elle est plutôt en costume bleu sombre avec tee-shirt rouge ces temps-ci : message ?), Nicolas Sarkozy le Kärcher… Il manquait quelque chose à François Bayrou. Bien sûr, la gifle était une image forte (qui s’est d’ailleurs déclinée en « gifle à Claire Chazal », « gifle à TF1 » : on file la métaphore). Mais il manquait un objet concret.

Le voici : le tracteur.



Ça a plu aux médias. Le quotidien El País avait dit il y a quelque temps que Bayrou était le seul candidat capable « de traire une vache et de conduire un tracteur » — ce qui n’est plus tout à fait vrai, maintenant que José Bové a ses signatures (un de ces jours il va falloir que je revienne sur la série étonnante de points communs qui relient les deux hommes…).

Et finalement, c’est Nicolas Sarkozy qui a fini d’offrir la consécration de ce symbole à Bayrou, en déclarant sur le plateau de France Europe Express que la France méritait bien autre chose qu'un sourire ou qu'un tracteur. Pas très habile dans un pays qui porte la ruralité dans son cœur…

Et ça n’a pas loupé : Bayoru a saisi la balle au bond. Les militants arborent des tee-shirts avec un logo Bayrou où le a et le o deviennent les roues du tracteur, et dans son grand meeting du Zenith, il renvoie la politesse à Sarkozy :
J'ai bien entendu Nicolas Sarkozy se moquer du tracteur qui a été, en effet, à mon corps défendant, une part si importante de ma jeunesse. J’ai très bien entendu le message et j’ai très bien entendu le mépris.
Le père de Bayrou est mort en tombant d’un tracteur quand celui-ci était en train de passer l’agrég, et il a dû reprendre l’exploitation tout en terminant ses études (Il a dit quelque part: « Pendant que les autres étudiants préparaient l’oral de l’agrégation, je labourais nos champs, je fanais. »).


Il continue:

Il est des gens en effet pour qui les paysans et les ouvriers, et les professeurs sans doute, et au fond tous ceux qui font vivre la France ne méritent que condescendance et petits sourires. C’est plus formateur de rencontrer en sortant de chez soi autre chose que les milliardaires du CAC 40 et les vedettes du show-biz. (applaudissements).

Je vais même lui apprendre quelque chose : il arrive que les gens qui travaillent de leurs mains pensent. (applaudissements). Il arrive qu’ils pensent et qu’ils soient généreux. Et qu’ils aient envie de changer le monde.

Et si je dois tout lui dire, vraiment tout (huées, sifflements)… Si je dois choisir entre être le président du CAC 40 et celui des ouvriers et des paysans, et des artisans, et des enseignants, des médecins et des infirmières, mon choix est tout fait. (applaudissements nourris) Il n'y a de président que président du peuple. (standing ovation, la foule scande: Bayrou président !)

Et naturellement, ce sont les extraits que reprennent tous les médias aujourd’hui. Sarkozy aurait mieux fait de se taire…

Moralité : ne jamais ironiser sur ses adversaires. Surtout avec de grands sabots.

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